Je m’appelle D’Amore Catherine, je suis enseignante spécialisée et j’enseigne l’anglais en collège. Depuis le début de ma carrière, l’élève est au cœur de mes préoccupations professionnelles. Lors d’un entretien professionnel on m’a déjà dit que l’élève pouvait être placé au centre de tout et surtout de n’importe quoi. J’en reste encore abasourdie.
« C’est [l’enfant] votre plus sûr auxiliaire, votre collaborateur le plus efficace. Faites en sorte qu’il ne subisse pas l’instruction, mais qu’il y prenne une part active et vous aurez résolu le problème. Au lieu d’avoir à le faire avancer malgré lui en le traînant par la main, vous le verrez marcher joyeusement avec vous. » Ferdinand Buisson, août 1878, devant les instituteurs délégués à l’Exposition universelle de Paris.
« L’élève », c’est l’enfant confronté à des apprentissages qui lui sont imposés (les programmes) dans un cadre structuré (l’École) obéissant à des principes rigoureux : l’exigence de précision, de justesse et de vérité doit toujours l’emporter sur la loi du plus fort et sur tous les phénomènes d’emprise. « L’élève », c’est celui que l’on « élève » et plus exactement, que l’on aide à s’élever.
Car, là est bien l’un des enjeux majeurs de la pédagogie, là où elle rompt radicalement avec la pensée utopique que: « l’instruction est obligatoire, mais l’apprentissage ne se décrète pas ». Nul ne peut apprendre à nager à la place de quiconque, pas plus que nul ne peut décider de prendre la parole à la place de quiconque devant un groupe, de se lancer dans l’écriture d’un poème, de s’engager dans la résolution d’un problème de mathématiques ou de partir en forêt, seul, avec une carte et une boussole.
Apprendre, comme le notait déjà Aristote dans l’Éthique à Nicomaque, c’est « faire quelque chose qu’on ne sait pas faire pour apprendre à le faire ». Et apprendre, comme l’expliquent bien Vladimir Jankélévitch ou Michel Serres, c’est « se jeter à l’eau », s’engager, quitter ses certitudes et ses habitudes pour prendre le risque de l’inconnu. Voilà justement quelque chose que seul un sujet peut faire, qu’il est le seul à pouvoir faire, mais qu’il ne peut pas faire seul !
Tout est là ! Et Rousseau le formulait déjà très bien dans l’Émile : « Jeune instituteur, je vous prêche un art difficile, c’est de tout faire en ne faisant rien » : « tout faire », parce qu’on n’a jamais fini de réunir les conditions qui facilitent chez l’élève l’engagement dans l’apprentissage… « en ne faisant rien », parce qu’on ne peut pas s’engager à sa place ! Aucune démission dans cette démarche ! Tout au contraire ! L’enseignant n’a jamais fini de mettre en place ce qui va faciliter l’acte d’apprendre. Il leur faut d’abord construire un « espace hors menaces », comme le disait le psychanalyste Jacques Lévine : un espace où l’on peut tâtonner sans craindre de se mettre en danger, s’essayer sans appréhender d’être humilié si l’on ne réussit pas du premier coup, proposer une réponse sans avoir peur d’être définitivement identifié à son erreur si l’on se trompe.
Mais cela ne suffit pas, bien sûr : il faut aussi construire une « situation d’apprentissage », avec une tâche à réaliser et un objectif à atteindre (la tâche, c’est ce que l’on fait et ce qui se voit, l’objectif, c’est ce que l’élève « stabilise dans sa tête » et qui demeure bien au-delà de la réalisation de la tâche) ; il faut que cette situation d’apprentissage soit parfaitement intelligible par toutes et tous, que les consignes en soient explicites et sans ambiguïté, que le système de contraintes et de ressources soit conçu de telle manière que chacun et chacune puisse progresser, en accédant à un savoir qui lui soit, tout à la fois, difficile et accessible, accessible et difficile (c’est-à-dire, comme l’explique le psychologue russe Vygotsky, dans sa « zone proximale de développement »).
Ainsi, le but de ce site n’est pas une initiative additionnelle à ce qui est déjà proposé et même de façon officielle, mais plutôt une façon d’améliorer les pratiques pédagogiques en se basant sur des valeurs d’éducation inclusive.
Cela n’a pas vocation à être une alternative à l’accroissement de la réussite scolaire, mais plutôt une façon de la favoriser en bâtissant des relations de collaboration et en apportant des améliorations à l’environnement d’apprentissage et d’enseignement.
En accordant une attention aux valeurs et aux conditions d’enseignement et d’apprentissage, ce site, je pense, peut aider à soutenir des améliorations dans les pratiques inclusives au sein des établissements. Il encourage une vision des apprentissages dans laquelle les élèves sont impliqués de façon active et intègrent ce qu’ils apprennent à leur propre expérience.
Ce site se veut pratique et cherche à identifier plus précisément ce qu’est l’inclusion : dans les établissements pour le personnel, dans les classes pour les aesh et pour les parents en questionnement.